Jean Prouvé
Fils d’un des fondateurs de l’Ecole de Nancy, Jean Prouvé récuse ce style pour se tourner vers le modernisme fonctionnel. Cela lui vaut rapidement deux commandes officielles de mobilier robustes : il se transforme alors en industriel, sans quitter ses préoccupations sociales. Il utilise sa connaissance des possibilités de l’acier pour produire des préfabriqués, dont des logements pour réfugiés ; il réalise aussi des murs-rideaux pour grands édifices.
Prouvé s’attache à la fonctionnalité, à la robustesse et à la facilité de fabrication. Ces priorités donnent à ses créations une austérité et un sérieux qui lui valent rapidement des commandes officielles pour des hôpitaux, des administrations et des écoles. Prouvé réussit à donner aux masses le goût du modernisme.
Artisan forgeron de formation, Jean Prouvé était également un talentueux artisan, architecte, entrepreneur, conférencier, expert-conseil et brièvement maire de la ville de Nancy. Il ne faisait pas que dessiner ses idées : ses solides compétences en métallurgie lui permirent de les mettre en oeuvre lui-même en tant que designer et producteur dans les Ateliers Jean Prouvé, que ce soit à la demande de Le Corbusier, Pierre Jeanneret, Charlotte Perriand et d’autres clients célèbres, ou pour ses propres projets. Pendant le processus de design, Prouvé faisait souvent des maquettes à l’échelle 1:1 qu’il envoyait à l’usine ou qu’il donnait directement à ses employés pour réaliser un prototype, qui était ensuite optimisé en plusieurs étapes consécutives. Plusieurs projets n’ont jamais dépassé l’étape du prototype et quelques modèles de prototype ont été utilisés pour des essais de charge et de déformation, car il n’était pas encore possible à l’époque d’effectuer les calculs pour ce genre de constructions à base de feuilles de métal.
Les designs des Ateliers Jean Prouvé sont basés sur le principe de la simplicité, ils associent différents éléments pouvant être assemblés mécaniquement et raccordés avec des vis.
Le processus de construction par additions est bien visible sur le produit fini. En 1934 Jean Prouvé a créé la chaise Standard qui illustre un aspect fondamental des nombreux designs de meubles et oeuvres architecturales de Prouvé : son souci constant des exigences structurelles. La charge exercée sur les pieds arrières, qui supportent le poids du haut du corps de la personne assise, est plus grande que celle sur les pieds avant. Ce n’est pas une surprise, mais aucun autre design de chaise ne met en avant ce principe de façon aussi claire que la chaise Standard: tandis que les tubes d’acier suffisent pour les pieds avant, qui supportent une charge relativement légère, les pieds arrières sont faits de sections creuses volumineuses qui transfèrent le plus gros de l’effort vers le sol.
Le profilé des pieds arrières, formé à partir d’une fine feuille d’acier incurvée, ressemble à l’aile d’un avion, la plus grande largeur se trouvant à l’endroit où le pied rencontre le cadre de la chaise, et où s’exerce la plus forte pression. La forme fuselée de la section creuse qui monte de la surface de l’assise définit en même temps l’angle et la position du dossier.
Ne disposant pas d’une formation académique en architecture, Jean Prouvé comptait sur des collaborations avec des architectes modernes contemporains pour la réalisation de ses idées de construction, comme Eugène Beaudoin et Marcel Lods pour la maison du peuple à Clichy-sur-Seine ou Pierre Jeanneret pour le modèle de pavillon démontable.
Il est connu pour ses constructions faites d’éléments préfabriqués standardisés qui fournirent une solution de logement à bas coût pour répondre à la situation d’urgence après la Second Guerre mondiale. Plus tard,
Prouvé travailla à Paris comme ingénieur consultant sur plusieurs projets de construction importants et marqua une nouvelle fois l’histoire de l’architecture en 1971 lorsqu’il présida le jury de la compétition pour la construction du Centre George Pompidou. L’oeuvre de sa vie a fait de lui une figure importante de l’histoire de l’architecture.
Je pense que ça a été la grande chance de ma vie, de devenir très vite un ouvrier et un ouvrier du bâtiment.
Maisons démontables
Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement français mandata Jean Prouvé pour concevoir des pavillons pouvant répondre au besoin de logements temporaires pour les victimes déportées de la guerre en Lorraine et en Franche-Comté.
Pour peaufiner son système de portique axial déjà breveté, il chercha à fournir une solution rapide, économique et adaptable à ce problème urgent. Il divisa l’espace de 36m2 préconisé par le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme, qui passa ensuite à 54m2, en trois pièces habitables immédiatement le jour de la construction. Assemblées à partir d’éléments préfabriqués en métal léger et en bois, les maisons étaient conçues pour être installées rapidement dans les zones touchées par les bombes, puis démontées et déplacées si nécessaire.
Le monde faisait face à une pénurie d’acier à l’époque, donc seuls la structure porteuse et le cadre mural étaient composés de feuilles d’acier pliées. Des panneaux en bois simples et standardisés s’inséraient dans ces dernières, avec un toit en feutre avec un revêtement bitume. Prouvé conçut le principe d’assemblage pour permettre une modification ultérieure avec des matériaux plus solides et plus lourds pour passer à une construction plus permanente.